Comment les experts peuvent-ils échouer 500 fois à la suite, dans les essais cliniques sur la SLA?

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Quelque chose ne va pas dans les essais cliniques sur la SLA. Il semble difficile, voire impossible de faire moins bien que les experts actuels du domaine. La situation est similaire pour des maladies neurodégénératives comme Alzheimer ou Parkinson.

Plus de 700 essais cliniques, dont près de 500 sont des études interventionnelles [15], ont été menés depuis 15 ans sur la sclérose latérale amyotrophique. Dans le cas d’Alzheimer, il y a eu plus de 1900 essais cliniques interventionnels et plus de 2000 d’entre eux pour la maladie de Parkinson.

Le coût cumulé de ces essais infructueux est colossal.

Alors que le taux de réussite moyen d'un essai clinique de phase III est supérieur à 40%, il est proche de zéro pour les maladies neurodégénératives. En effet il y a eu plus de 80 essais cliniques de phase III négatifs dans le cas de la SLA [14].

Cela semble un nombre énorme et impressionnant, et le public pourrait s'attendre à ce qu'il soit vraiment improbable que des experts échouent 500 fois à la suite, ou qu'ils échouent 82 fois en phase III, sans le moindre succès, alors que le taux de réussite des essais clinique de phase III est proche de 50%.

Est-il exagéré de dire que ce nombre énorme d'échecs signifie que non seulement nous n'avons aucune idée de la cause et du mécanisme de cette maladie, mais nos experts ne sont pas compétents sur ce type de maladie.

L'un des premiers paradigmes était que, comme la SLA est due à la mort de motoneurones supérieurs (définition médicale de la SLA), les médicaments et les traitements pour l'AVC devraient être efficaces. Cela montre une réflexion de médecin, pas de biologiste.

Ça a été le paradigme principal pendant des décennies. Il y a en effet de bonnes raisons de penser que la SLA est une sorte d’accident vasculaire cérébral extrêmement lent. En particulier, cela se produit principalement chez les personnes âgées et les symptômes commencent de façon localisée, par exemple au niveau du muscle de la main nommé thénar. Les symptômes atteignent ensuite des zones de l’anatomie de plus en plus importantes au fur et à mesure du développement de la maladie

L'un des deux médicaments approuvés pour la SLA, Edaravone, est un médicament intraveineux utilisé pour aider à la guérison après un AVC. Dans la ligne de ce paradigme qui dit que la SLA est une sorte d’AVC, on soupçonnait depuis longtemps que le stress oxydatif était un facteur majeur de propagation de la maladie. C'est pourquoi Rilutek a été approuvé.

Puis, au cours du siècle dernier, il y a eu l'expansion extraordinaire de la biologie moléculaire. Les biologistes surpassent les médecins dans les effectifs et dans les publication.

La promesse de la biologie moléculaire est en effet révolutionnaire, c’est de trouver une solution simple à toute maladie non contagieuse.

C’est une promesse aussi de simplicité considérable dans l’outillage, qui semble sortir de chez un cuisiniste plutôt que d’un laboratoire sophistiqué. En particulier il devient possible à des étudiants de publier sur ces sujets quelques années plus tôt que s’il s’agissait de médecins.

La biologie moléculaire implique un changement de paradigme complet dans la façon de penser la maladie.

Les cerveaux, les nerfs et les muscles sont oubliés, les cellules, dont le fonctionnement est pourtant encore largement inconnu, à la fin du XX siècle, sont rejetées car non pertinents dans un processus de pensée qui est centré sur la translation du génome en protéines.

Les scientifiques reviennent pourtant maintenant de ce genre d'explications qui se sont finalement avérées le plus souvent infructueuses.

Ces cécités envers la physiologie ou même la médecine, est pourtant difficile à comprendre pour les maladies neurodégénératives, car par exemples les astrocytes réactifs ont été plusieurs fois identifiés comme un composant des plaques amyloïdes séniles dans le cortex des patients atteints de la maladie d'Alzheimer dès 1988 [9-12]. Or il y a peu, 30 ans plus tard, la théorie impliquant les plaques amyloïdes dans la maladie d'Alzheimer, était encore la théorie dominante.

Cela peut correspondre à ce qui était connu à l'époque, car les astrocytes et les microglies étaient alors considérés comme presque inutiles. C’est cependant quelque chose d'étonnant à affirmer, même à la fin du XX siècle, puisque manifestement ces cellules constituent une grande partie de la matière du cerveau et de la colonne vertébrale.

Cela avait pourtant bien commencé pour l’application de la biologie cellulaire dans les maladies neurodégénératives, avec un grand succès apparent en 1998, quand des mutations du gène SOD1 ont été impliquées dans la SLA familiale. Hélas il est vite apparu que les mutations SOD1 ne concernaient qu'un petit nombre de cas familiaux de SLA et qu'elles présentaient une grande diversité avec une espérance de vie variant d'un an dans les formes sévères à 10 ans ou plus dans des mutations moins dangereuses. Bien que la très grande majorité des articles sur la SLA concerne SOD1, les mutations de SOD1 semblent donc un épiphénomène dans le cas de la SLA, à la fois pour leur très faible fréquence mais aussi par la diversité des phénotypes.

La principale cause de la SLA familiale n'a été trouvée qu'en 2011, 20 ans après les promesses de la biologie cellulaire, des mutations dans C9orf72 créent des répétitions dans certaines protéines. Cela faisait une trentaine d’année que les biologistes investiguaient la SLA familiale, et le manque de progrès faisait craindre que l’on ne pourrait éclaircir ce problème. C9orf72 n’est pas un gène, c’est une zone qui était réputée non-codante jusque-là, d’où la difficulté à utiliser les outils de biologie moléculaire.

Un peu étrangement ces répétitions de motifs sont également présentes chez tout le monde, mais plus prononcées chez les personnes âgées. Elles sont également présentes dans d'autres maladies. Ainsi il semble que le nombre de répétitions pourrait impliquer différentes maladies.

La biologie moléculaire a proposé plus d’une centaine de gènes comme étiologie de la SLA participante et a proposé des milliers de médicaments et à un moment donné, les scientifiques commencent à être réticents à incriminer encore plus de gènes dans la SLA (ou Alzheimer, etc.). Ainsi, pour les scientifiques qui avaient décidé de faire carrière en biologie moléculaire et qui se pensaient face à une impasse, la tentation était forte de pivoter vers la traduction et les modifications post-traductionnelles des protéines.

Nous avons alors été inondés d'études affirmant que telle ou telle protéine était mal traduite, mal conformée ou mal localisée dans la cellule. Le sujet des protéines mal repliées a même créé de petites guerres entre biologistes (Tauiste contre Baptiste). Le problème est que la plupart de ces protéines proposées sont trouvées dans la plupart des maladies neurodégénératives, Tau, TDP-43, etc [1]. Ainsi elles ne semblent pas spécifiques de la SLA, d’Alzheimer ou de Parkinson.

Il y a des points de vue alternatifs chez les scientifiques travaillant dans le domaine de la SLA, l'un est que la SLA commence dans les muscles, pas dans le cerveau. Cette hypothèse a été à la fois * prouvée et réfutée * à plusieurs reprises, ce qui semble très confus du point de vue d’un non-spécialiste. Mais de toute façon cette hypothèse n’explique pas ce qui causerait la maladie musculaire, elle ne fait que repousser l’explication de ce dépérissement musculaire vers des travaux futurs.

Si nous raisonnons de manière globale, à la façon d'un médecin, il y a deux raisons communes pour que les cellules meurent (que ce soit celles des muscles ou encore les motoneurones supérieurs). Il n’y a pas besoin d’explications extrêmement sophistiquées pour cela.

Soit leur approvisionnement en sang est défaillant (voir la similitude avec l'AVC plus haut), soit le métabolisme cellulaire est défectueux (d'où l’apparition d’un stress réactif).

Il semble que les articles sur un métabolisme défectueux soient assez rares, mais certains discutent que l'ammoniac pourrait être un facteur de la SLA [7-8, 13]. Certains articles ont même incriminé l'utilisation de la méthionine sulfoximine (MSO) dans un processus de blanchiment de la farine, aujourd’hui abandonné [8] ou encore d'autres contaminants environnementaux comme étant des facteurs de la SLA. Il est étonnant que, bien qu'il y ait eu de nombreuses publications sur ces deux sujets, aucun essai clinique n'ait essayé des médicaments liés au dysfonctionnement du métabolisme.

Par exemple, les essais cliniques pourraient étudier: * Les inhibiteurs MAO-B [2], * La méthionine sulfoximine (MSO) qui a considérablement prolongé la durée de vie d'un modèle murin SOD1 G93A pour la SLA. [3] * L’inhibition pathologique de la glutamine synthétase (GS). Dans le cerveau, la GS est exclusivement localisée dans les astrocytes où elle sert à maintenir le cycle glutamate-glutamine, ainsi que le métabolisme de l'azote. Des modifications de l'activité de la GS ont été identifiées dans un certain nombre de conditions neurologiques [4]. * La méthionine sulfoximine (MSO), un inhibiteur bien caractérisé de la glutamine synthétase, est un convulsif, en particulier chez le chien, mais présente des bénéfices thérapeutiques significatifs dans des modèles animaux pour plusieurs maladies humaines [5, 6] * Mais aussi beaucoup d'autres médicaments potentiels.



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